Longtemps avant que le Roquefort ne devienne la première richesse du Sud Aveyron, le vin fut à l’origine de la prospérité de Millau et surtout de Compeyre à l’entrée des Gorges du Tarn. Les terrasses et leurs rangées de ceps s’alignaient à perte de vue sur les flancs des causses. On peut encore voir autour du village des vignes et au détour d’une ruelle en pente des caves superposées sur plusieurs niveaux.
A l’époque gallo-romaine, le vin désaltérait déjà les milliers d’ouvriers qui travaillent à la poterie millavoise de la Graufesenque réputée dans toute la Rome Antique.
Au débouché des gorges du Tarn, dominant Millau, le village de Compeyre détenait une position clé.
En 1339, le prospère Compeyre, forte de 2500 âmes devint Cité Royale. Elle a le monopole de l’élevage des vins. Ainsi nombre de vignerons de la vallée du Tarn y apportaient leurs récoltes pour en tirer un meilleur profit. Ce qui assurait la prospérité de la ville qui percevait l’impôt du souquet prélevé sur chaque transaction.
Pays d’un bonheur de vivre où sur les coteaux des Causses, s’étageaient à perte de vue des milliers de terrasses de ceps.
Bien des nobles des alentours y avaient souvent des caves et venaient participer aux fêtes bachiques.
Comme à Roquefort, Compeyre possède des caves à fleurines. Il s’agit de ces failles dans la roche qui assure une humidité et maintient une température constante de l’ordre 8°. Ce qui permet de conserver le vin tout en le bonifiant. Ces caves ont été les bonnes fées de Compeyre, lui apportant des siècles durant richesse et célébrité.
Les Guerres de Religion -cruelles en Sud Aveyron- mirent un terme à cette prospérité. Les protestants dévastèrent Compeyre et éventrèrent les futailles. A partir de 1650 les vignerons du Tarn construisirent chez eux des « villages de caves » pour un usage personnel.
Aujourd’hui encore en pénétrant dans ses caves millénaires, vous déchiffrerez peut-être le secret d’un vin qui prend ici le temps de vieillir. Le vin de Compeyre se dégustait autrefois avec de la rébarbe, fromage confectionné avec du vieux roquefort pétri dans l’eau de vie.
Grâce à un programme de réhabilitation en cours, les caves ont retrouvé leurs fonctions initiales, celles d’abriter l’élevage de grands vins.
Ces caves séculaires ont une particularité. Ce sont leurs « fleurines » du verbe « flarinar » qui signifie souffler en occitan. Il s’agit de failles, qui à travers les parois rocheuses assurent, par ventilation, une humidité et une température basse constantes. Les fleurines sont intimement liées aux paysages chaotiques des causses, entaillées de gorges aux falaises abruptes. Ce sont ces mêmes fleurines qui assurent la transformation du « pénicillium roqueforti » sur les pains de fromages de brebis dans les caves de Roquefort.

Les vins de Millau reviennent de loin. En 1850, le vignoble atteignait 15 000 ha de vignes pour une production annuelle de 500 000 hectolitres. A l’instar de tous les vins du Sud-Ouest, le phylloxera de la fin du XIXème siècle n’épargna pas les ceps de la région. La saignée de la Guerre de 14-18 contribua également à l’abandon des terrasses.
Et si après le conflit, la vigne repris ses droits, le cœur n’y était plus. Ceux qui n’avaient pas déserté le vignoble pour les mégisseries de Millau ou les Caves de Roquefort jouaient la carte du volume et cherchaient à « faire pisser la vigne» à partir de cépages utilisés dans le midi. Sans s’apercevoir que les consommateurs privilégiaient de plus en plus la qualité… C’est tout le mérite des vignerons de la cave des Gorges du Tarn d’avoir joué la qualité à partir des années 1990 en plantant des parcelles en gamay et syrah notamment.
Après avoir été VDQS ( Vin de Qualité Supérieure), le décret d’AOC est paru fin 2011. En décembre 2020, la Cave des Vignerons des Gorges du Tarn a été transformée en CUMA qui réunit quatre vignerons : Le Caveau du Mas.
